Qui sème le vent, récolte la tempête

 

« GNPff..! » Anthony, un morceau de bois entre les dents, était assis sur la table face à Sonia préparant l’intervention.

Phil et Lux de chaque côté, le maintenaient d’une poigne virile.

Marion en retrait regardait la scène l’esprit en feu.

« La flèche ne peut sortir ni d’un côté ni de l’autre, je vais la couper. »

Sonia sectionna le tube avec une pince un peu rouillée encore fumante.

L’eau bouillante, meilleure amie de la médecine et des conserves retrouvait ses lettres de noblesses.

« Ok, Anthony, regarde-moi, tu vas compter dans ta tête jusqu’à 3 avec moi. »

Le jeune homme, de la sueur perlant sur le front, acquiesça dans les yeux de Sonia.

« 1. »TCHHHTTK!!

D’un geste vif, elle retira la flèche ! laissant le décompte en suspens.

Anthony, interloqué une demi-seconde, jeta la tête en arrière, un jet de salive dessinant dans l’espace une trajectoire circulaire.

« Attention !!

C’est bien gamin ! c’est bien ! »

Asséna Lux en le retenant.

Sonia observa de biais la moitié de flèche à hauteur de visage.

« Ils étaient 10… »

Les 3 soignants se tournèrent vers Marion, au fond de la pièce.

Elle répéta : »les bagaudes, ils étaient 10. »

—-

 Sonia, en regardant la flèche de plus près :  » Leur technologie s’améliore et devient plus efficace, il va nous falloir une forge. »

D’un geste souple, elle ramassa les déchets, ouvrit le couvercle de l’aquarium à côté d’elle et les fit glisser dedans. Lors de l’ouverture, on entendit un vrombissement sourd.

Marion :  » Tu nourris encore tes monstruosités ? « 

Phil :  » Soit respectueuse, ces mouches sont une vraie mine de protéine, sans elles, nous ne serions plus là ! »

Marion :  » Beurk » se retournant vers la fenêtre  » Je pourrais partir en reconnaissance pour en savoir plus sur eux »

Lux :  » Dix hommes, c’est peu ou beaucoup trop ! Nous ne savons rien d’eux, ils pourraient très bien être les éclaireurs d’une troupe beaucoup plus nombreuse. Désolé mais c’est non, personne ne sort »

Marion :  » Mais nous devons savoir… »

Lux :  » Savoir quoi ? Qu’ils sont plus nombreux et mieux armés que toi ? Cela te servira à quoi lorsque tu seras entre leurs mains, ou pire, morte ? Personne ne sort ! Nous renforçons nos défenses, point final. Le vilatge doit impressionner, afin d’éviter les attaques. Ce soir réunion du conseil, en attendant, que tous les valides s’occupent de rehausser l’enceinte. Allez remplir des sacs de sable. Marion tu supervises, Phil tu t’occupes de relancer l’hydroponie et la culture de la spiruline, nous devons être autonome, les sorties deviennent trop dangereuses »

Phil : « Je vais revoir les protocoles que la mère Angèle à amenés, il doit y avoir un truc qu’on a manqué. »

Il se retourna et lança un regard automatique à l’antique baromètre accroché au mur. Phil se précipita dessus et tapota la vitre.

Phil : « Le baromètre dégringole, on va encore avoir droit à une tempête. »

Marion : » Catégorie ? »

Phil :  » Le baro est en chute libre, 3, 4 ou peut-être 5″

Marion :  » Les Bagaudes vont en chier, on pourrait en profiter ? »

Anthony à moitié dans les vapes, « Allez donc leur cassez le cul à ces enfoirés »

Lux et Phil se retourne simultanément :  » Gamin, calme et repos ! »

Lux : « Pour l’instant, on va se préparer car s’il y a du sable, on risque nous aussi d’en chier. »

Au loin, le ciel était d’un rouge éclatant.

Sonia :  » Rouge au coucher, emmerdes au lever ! Regardez là-bas ! » Elle indiqua au loin une bande de nuages qui avançaient vite malgré la distance.

Un éclat, sorte de méga étincelle attira son regard jusqu’au petit pont et là, elle découvrit une bande dépenaillée, surement des Bagaudes, qui se déversaient dans la vieille vigne, jusqu’à la submerger.

Une armée nombreuse, bruyante, hétéroclite.

Les étendard rapiécés, troués se dressaient. Au moins 300 démons vociférant étaient là, devant eux, tapant sur leur bouclier, faisant un bruit d’enfer.

Lux couru pour sonner le tocsin. Dans tout le vilatge, on entendit des volets claquer, les portes se fermer précipitamment.

Les Bagaudes hurlaient à plein poumons et se lancèrent à l’assaut du vilatge.

A peine la dernière fenêtre était-elle barricadée que des hurlements inhumains se firent entendre, que les maisons se mirent à trembler, que des tuiles s’envolèrent, que du sable s’infiltra sous les portes.

La tempête était là, se déchaînant, faisant trembler les vitres.

Marion ne put s’empêcher de dire, un sourire aux lèvres : « J’espère qu’ils en chient. »

Phil : « Sonia, prépare des mouches, elles vont avoir un vrai festin. »

—-

Malgré le chaos qui régnait à l’extérieur, Sonia semblait imperturbable.

Elle finissait d’essuyer méticuleusement sa pince et les autres outils qu’elle avait trempés dans l’eau bouillante, avant et après avoir soigné Anthony.

Elle les rangea avec soin dans une sorte de sacoche qu’elle portait toujours autour de la taille, quasiment jour et nuit. Elle tira une chaise près du fourneau et étendit sur le dossier son torchon humide.

Puis elle s’approcha de Marion, qui s’était assise à même le sol adossé contre le mur. Elle lui prit le bras et souleva sa manche pour observer les griffures qui dessinaient du poignet jusqu’au coude 4 longues lignes parallèles d’un brun sombre. Le sang avait déjà coagulé, la blessure était vraiment superficielle, rien de grave.

Elle se contenta de nettoyer une coulure de sang séché. Marion la remercia en redescendant sa manche.

Toujours allongé sur la table et grelottant de froid, Anthony regardait le sable qui s’engouffrait sous les interstices de la porte et formait à présent comme une vague dorée sur le béton grisâtre.

Phil lui jeta une vieille couverture sur le ventre avec laquelle il s’emmitoufla en se recroquevillant sur lui-même.

-C’est bizarre on les entend moins », chuchota-t ’il pour mieux tendre l’oreille.

Dehors, après les cris d’assaut des Bagaudes, tout le monde s’attendait à les entendre cogner aux volets et s’acharner sur les portes d’entrée.

Mais pas cette fois.

Avaient-ils eu plus de mal à franchir les fortifications du village ? La tempête les avait-elle stoppés dans leur attaque ?

Tout le monde guettait le moindre bruit, à l’affût.

Le vent cyclonique projetait contre les maisons des branchages et des cailloux dans un fracas inquiétant. Quelques cris étouffés provenaient du lointain.

Entre deux bourrasques, il leur sembla entendre gratter à la porte. Un petit bruit hésitant, persistant, comme un chat qui se ferait les griffes sur le bois. Ils se regardèrent entre eux, l’œil inquiet et interrogatif. Puis comme des sanglots étouffés.

Et enfin une petite voix, presque enfantine, qui implorait doucement :

« Par pitié ! Ouvrez-moi ! Ouvrez-moi s’il vous plaît ! »

—-

« c’est sûrement l’un des nôtres » s’écria Anthony, « il faut ouvrir ! »

« en ce cas pourquoi il ne fait pas le tour et passe par la porte ouvrant sur la tranchée au lieu de rester là, le vent dans le dos ? » questionna Marion

« vous savez quoi, ça me fait penser à l’histoire du petit chaperon rouge, quand le loup se fait passer pour une petite fille pour pouvoir accéder à la maison de la grand-mère. C’est sûrement pareil ici, une sorte de cheval de Troie » laissa filer Phil, manifestement inquiet.

« je te rappelle que ce ne sont que des hommes », rappela Marion. « Ils ne sont certainement pas aussi subtils »

« de toute façon le vent est beaucoup trop fort, c’est un coup à ne plus pouvoir refermer la porte. Et si c’est l’un des nôtres, il sait parfaitement où passer et où frapper. Nous ne sommes pas les seuls au village » rétorqua Sonia

Au bout de quelques heures, les bourrasques s’affaiblirent.

Marion jeta un œil au baromètre, l’air toujours dubitatif par rapport à cet instrument qui lui semblait désuet. Il n’y avait bien que Phil, pensait-elle, pour se fier à cette vieillerie de baromètre et s’amuser à cataloguer les tempêtes en « catégorie ». Ce besoin de rationalité toute masculine l’exacerbait. C’était sans doute une façon pour Phil de se montrer expert en quelque chose, peut-être en futilité songea-t-elle. Et puis, d’ailleurs, son machin ne mesurait pas les tempêtes au-dessus des catégories 5. Encore un de ces instruments faits pour une période révolue où les vents souffletaient songea-t-elle. Le village avait du reste son propre dispositif d’alerte : une roue de vélo équipée de petites clochettes et placée latéralement sur l’une des toitures. D’ailleurs on les entendait encore mais moins, signe que le vent se calmait.

Marion décida de sortir par la porte de derrière, qui donnait sur l’une des tranchées permettant d’accéder aux autres habitations du village. La plupart d’entre-elles étaient semi-enterrées, voir complètement enterrées. A vrai dire il n’y avait que quelques maisons de pierre, comme celle de Sonia. Mais du fait des bourrasques, tornades et vents violents, la plupart des membres de la communauté avaient opté sur des habitats enterrés qui se situaient légèrement à flanc de colline, sur le versant le moins visible de l’extérieur. On y accédait par des trappes latérales ou par des portes donnant sur une ribambelle d’artères creusés dans la terre et faisant office de rues. Outre la protection naturelle que cela offrait contre les incendies et les tempêtes, les habitats enterrés étaient aussi un bon moyen de protection contre les vagues de chaleur : les dortoirs, notamment, étaient situés très en profondeur permettant ainsi de conserver l’air frais.

Marion contourna la maison et le mystérieux visiteur s’était manifestement volatilisé. Il n’y avait personne dehors et était la première à être sortie. Pas de signe des Bagaudes non plus. Ils s’étaient sans doute mis à l’abri à l’approche de la tempête. Elle se hâta de frapper aux portes et, sans attendre, laissa ses instructions pour parer au plus vite et assurer une défense adéquate.

Le village était déjà bien préparé contre les intempéries ou les attaques. Il y avait les deux maisons de pierre qui surplombaient la colline et qui faisaient office de tours de guets et de dispositifs d’alerte ; c’était d’ailleurs les seules bâtisses qui disposaient encore de quelques tuiles sur leurs toits. Deux personnes s’y relayaient toutes les 4 ou 5 heures pour surveiller les abords avec, pour seul dispositif d’alerte, un tocsin. Plutôt rudimentaire mais très efficace.

Le bassin de spiruline, en contrebas, avait morflé. Le sable s’y était bien introduit. Les réservoirs d’eau et les serres, juste à côté, avaient par contre tenu le choc. Pour parer à une reprise de la tempête, et sous la supervision de Marion, des hommes s’attelèrent à les recouvrir de bâches en les fixant solidement. Au sommet de la colline, d’autres étaient en train de vérifier les planches à projectiles, les pièges à culbute et les fosses à pieux. Plus bas, d’autres encore s’attelaient à empiler quelques sacs de sable dans les tranchées pour bloquer les accès clefs. Marion n’avait pas trop besoin de superviser : tous ces exercices étaient faits régulièrement à titre préventif.

Elle remonta ensuite vers la tour de guet pour se rendre compte de la situation. Les Bagaudes, qui s’étaient mis à l’abri dans des fossés aux abords de la vigne, s’étaient déjà remis en marche et étaient à moins de 600 mètres. Mais c’était 600 mètres de dénivelé. Comment pouvait-on être aussi stupides se demandait Marion. Attaquer à flanc de colline et en plein jour ? C’était probablement l’une de ses nombreuses incohérences que ceux de l’ancien monde leur avait transmises.

Les bagaudes commencèrent à grimper la colline, protégés par leurs casques et boucliers, des équipements que portaient autrefois les forces de l’ordre public quand il y avait encore un ordre à faire respecter. Puis, quelques dizaines de minute plus tard, les premiers Bagaudes arrivèrent au sommet de la colline. Comme convenu, et sous le poids de la fatigue, ils ne firent pas attention aux pièges à culbute. Ces derniers consistaient en de petits morceaux de bois enfoncés dans la terre et devant les faire culbuter dans une fosse remplie de pieux acérés. Les uns après les autres, ils culbutèrent ainsi dans le fossé pour s’empaler bien profondément sur les pieux qui y étaient installés. Les cris vociférant de cette horde inculte se transformèrent bientôt en gémissements profonds. Mais ce n’était que le sort réservé aux premiers arrivants. Ceux qui suivirent furent accueillis par une volée de flèches.

Dans la mêlée qui s’en suivit, Marion se retrouva fasse à un géant qui la dépassait de deux têtes. Il portait des lunettes d’aviateur et un casque noir, un de ceux qui devait équiper ces anciennes compagnies républicaines de sécurité, sur laquelle il avait rajouté une crinière de cheval pour impressionner davantage. Il était armé d’une arbalète et d’un pied de biche. Il semblait invincible. Alors qu’il s’avança vers Marion en portant des cris, vociférant, Marion fit un pas de côté et sorti de sa poche une liasse de billets qu’elle leva de la main droite en l’agitant. Déconcerté, l’homme fixa la liasse et, profitant de cette diversion reposant sur un réflexe dont la cupidité addictive le disputait à la futilité, les billets n’ayant plus aucune valeur depuis longtemps, Marion lui balança un bon vieux coup de pied dans les parties. Décontenancé et dans l’incapacité de réfléchir, l’homme s’écroula et tomba à la renverse…

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Ses armes à terres et les testicules douloureuses, le Goliath commença à se tortiller au sol en jurant pour mettre un peu de distance entre lui et la harpie qui lui faisait face. Marion ne perdit pas une seconde en réflexion et se saisit de l’arbalète de l’homme.

Elle n’eut que le temps de vérifier que le carreau était encore engagé que déjà elle vit quelque chose arriver sur sa droite. Si à ce moment elle s’était contenté de tourner la tête pour voir de quoi il s’agissait, elle aurait reçu un coup de hachette en plein visage. Au lieu de cela, elle échappa de justesse au coup de ce nouvel adversaire grâce à un bond sur le côté. Ce qui ne fut pas suffisant non plus pour être tout à fait hors de danger. Loin de se satisfaire de son échec, le pillard enchaîna avec deux grands coups circulaires devant lesquels Marion recula.

Profitant du répit que lui offrait son comparse, le géant se remit péniblement debout en s’aidant de son pied de biche. Il fallait que Marion se débarrasse de l’énergumène qui tentait de la débiter comme du petit bois et celui-ci lui offrit justement une occasion en or en effectuant un mouvement trop large sur l’extérieur qui lui laissa le temps d’épauler correctement son arbalète. Le pillard fut projeté un arrière sous l’impact.

Marion avait manqué le cœur de quelques centimètres mais vu la manière donc l’homme se tordait de douleur, il ne représentait plus de danger pour le moment.

A quelques mètres seulement le géant finissait de se relever en la foudroyant du regard, il était d’attaque pour un second round aussi Marion troqua-t-elle l’arbalète pour la hachette qui avait manqué de lui fendre le crâne à peine une minute plus tôt.

Confiant le colosse s’avança d’un pas lourd dans sa direction. Concentrée, la jeune femme se fit le plus mobile possible. Elle n’avait aucune chance de l’emporter en cas de confrontation direct, mieux valait le laisser s’épuiser à taper dans le vide et attendre qu’il laisse une ouverture qui lui permettrait de frapper.

Autour d’eux, la bataille monta d’un cran en intensité. Trop confiants en leur nombre et dans la qualité de leur équipement, les Bagaudes avaient enchaîné les erreurs tactiques ce qui s’avéra dramatique pour nombre d’entre eux. Pourtant malgré cela une cinquantaine d’entre eux parvinrent à entrer dans le village avec l’appui d’une dizaine d’archer restés en retrait.

Les flèches commencèrent à pleuvoir sur les défenseurs qui eux-mêmes n’avaient pas assez de portée avec leur arc pour répliquer convenablement.

« RESTEZ HORS DE VUE DE CES FUMIERS ! », gueula Phil

Lux aidé de Malonne, repoussa tant bien que mal ses assaillants à l’aide de sa fidèle batte de base-ball en aluminium. La confrontation à l’intérieur du village fut particulièrement violente. Les Bagaudes étaient souvent mieux équipés.

Boucliers, casques et autres protections leur permirent de distribuer les coups sans trop se soucier d’en recevoir. Ce fut malgré tout la pugnacité des défenseurs qui paya au final.

Après avoir tiré quelques flèches supplémentaires pour couvrir la fuite des membres encore valide, les Bagaudes déguerpirent en laissant derrière eux leurs morts et leurs blessés.

Malonne essuya le sang qui lui dégoulinait sur les joues. Il avait été touché à l’arcade et même si c’était douloureux, il s’en remettrait plutôt facilement.

Ce qui ne serait pas le cas de tout le monde. Il jeta un bref coup d’œil à Phil et Lux qui s’étaient battu à ses côtés. Mis à part quelques bleus et égratignures Lux s’en était tiré sans soucis.

Phil avait le nez cassé et la lèvre supérieure éclatée, ce qui ne semblait pas l’affecter outre mesure. Le fracas des affrontements laissa la place aux lamentations, aux pleurs et aux râles.

« On a du pain sur la planche les gars. », annonça Marion tout en essuyant la lame ensanglantée de sa hachette dans un morceau de tissus récupéré dieu savait où.

« Ça change pas de d’habitude. », grogna Kévin qui rejoignit le reste du groupe en boitillant.

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Rick n’arrivait plus à courir.

Il s’était souvent demandé lors de ses infructueuses tentatives de jogging si le fait que sa vie soit dans la balance pouvait lui donner plus d’endurance, lui envoyer les hormones qu’il fallait, le coup d’acide tactique ou chaipaskoi.

Il avait la réponse, en cas de risque vital, de peur et de colère, il trottait toujours 200 mètres avant de s’écrouler comme une merde, en vomissant ses poumons par les trous de nez.

Avant il mettait ça sur le dos de la schnouff et de la picole, aujourd’hui…ben aujourd’hui ça faisait deux jours qu’il n’avait rien mangé !  Ça devait jouer un peu…

Pas étonnant que ces taffioles les ait rétamés, ils étaient préparés, et ils avaient de la bouffe eux…

C’est bien pour ça que les Bagaudes s’étaient jetés sans aucun plan après la bagarre dans les bois.

Les siens étaient tous en train de crever, ils n’avaient plus aucune alternative et aucune chasse, aucune cueillette de taffiole ne pourrait les nourrir en suffisance.

Il savait qu’il faudrait y retourner, peut-être en mode commando cette fois, et leur voler leur saleté de spiruline de taffiole, et leurs légumes de taffiole. Probablement qu’ils allaient tous y passer cette fois et ce n’était pas un problème.

Mais alors autant en finir en vrai Samouraï, s’il fallait mourir là-bas, il irait chercher leurs réserves de TNT, et ce serait le grand final, rideau pour le village des taffioles-hobbits.

Il marchait maintenant.

Il n’avait plus ressenti la sensation de faim depuis plusieurs jours, mais voici qu’elle revenait brutalement, de façon impitoyable, une piqûre des plus violentes qu’il n’ait jamais ressentie.

Et cela pour une raison, une raison complètement inexplicable : ça sentait le barbecue, la viande fumée.

Il voyait clairement son estomac, ses intestins faire des nœuds de chaise, se lover, faire tant de boucle les uns autours des autres qu’ils ne pourraient jamais revenir « à la normale ».

C’est d’ailleurs tout ce qu’il voyait, car le paysage commençait à tanguer dangereusement.

Encore quelques mètres, il serait au point de rendez-vous, il pourrait se reposer et attendre les autres.

Il avait la sensation de marcher vers l’épicentre de l’odeur. Comme si le point de rencard, à l’orée du pré était l’origine des cruels effluves.

Il ne pût s’empêcher d’espérer :  et si ce n’était pas une hallucination…

Putain ça n’existait pas les hallus olfactives, il connaissait un peu le sujet ! S’il y avait un truc qui cuisait par là-bas, il le mangerait, il n’attendrait pas les autres, et si ça devait le faire crever, c’était ok.

Il était arrivé. Il reconnut Yvan et sa gimf, vautrés au pied d’un hêtre décharné.

Il avisa une autre souche qui lui servirait d’oreiller.

Mais ce n’était pas possible, l’odeur était maintenant souveraine, elle était maîtresse de toute la forêt, il ne pouvait pas rester ici, les nœuds dans ses entrailles allaient finir par avoir raison de sa raison.

Quelque chose déconnait.

D’abord il entendait maintenant comme un vrombissement. Le sous-bois entier vibrait. Yvan et sa femme, les deux frangins de la Couze, et les autres aussi, les quelques fantômes qui erraient là, tous regardaient dans la même direction.

– On n’attendait plus que toi Rico !

Une taille d’enfant pratiquement. D’ailleurs n’en était-ce pas un ?  On ne pouvait pas le savoir vu qu’il avait l’inconscience de leur tourner le dos. Il semblait se fondre dans le décor, n’avoir aucune consistance…

L’étranger semblait plus intéressé par l’appareil qu’il tenait entre ses mains fines que par la bande de Bagaudes affamés qui l’entourait.

Une maigre viande, probablement un chat fraîchement écorché,  tournait au-dessus des braises et semblait cuite à point. Rick était persuadé d’avoir affaire à une taffiole du village des hobbits, il ne parvenait pas à distinguer ce que l’autre tenait dans ses mains, on eût dit une manette de jeux vidéo d’autrefois.

Qu’importe qui il était et ce qu’il croyait avoir à leurs offrir, l’étranger allait crever.

Rick et sa bande se partagerait son chat, et comme ça ne suffirait pas et que le feu était tout prêt, il ferait probablement leur première incursion dans le cannibalisme.

Les affaires reprennent mon Rico, ne jamais douter de ton Karma, une fois sur pied, tu vas retourner buter du hobbit et baiser l’amazone qui a tué Gogol.

Rick leva son arbalète. La colère lui avait redonné suffisamment d’énergie pour viser, parfait.

L’autre ne mouftait pas.

– Je l’ai appelé « Collapse ». Tu veux savoir pourquoi ?

Une voix d’adulte, indéniablement, et sans l’once d’un début de tremblement, ce mec avait des nerfs en acier trempé. Et de quoi qu’il parlait putain. Et c’était quoi ce bourdonnement !???

– Parce que, où qu’on aille, il se trouve toujours un gros con pour être surpris quand ça s’effondre sur sa gueule.

Rick eut juste le temps de lever la tête. Au moins maintenant il savait d’où venait le vrombissement !